Sermon du 10 juillet de la révérende Winnie Varghese, Trinity Wall Street, Diocèse épiscopal de New York

79ème Convention générale de l’Église épiscopale

Posted Jul 17, 2018

Le texte qui suit est le sermon prononcé par la révérende Winnie Varghese, Trinity Wall Street, Diocèse épiscopal de New York, le 10 juillet 2018 lors de la Convention générale.


Veuillez vous asseoir.

Si vous venez du Diocèse de New York, vous savez que notre Évêque a une histoire de manipulation de serpent mais, étant donné que je n’ai que huit minutes de Michael Curry, je ne peux vous la conter maintenant.

C’est un honneur d’être ici.

La fin de Marc est la réponse au dilemme. Les érudits disent que cette partie est probablement un ajout ultérieur, vous savez tous cela ici dans cette salle. La partie la plus ancienne de ce texte se termine subitement, la tombe est vide — point d’exclamation ou trois petits points, point final.

Ces versets finaux qui concluent de manière impeccable sont probablement ultérieurs mais cohérents par rapport aux thèmes de Marc, à savoir les disciples incrédules, Jésus vient vers eux alors qu’ils sont à table, nous allons proclamer la bonne nouvelle, nous recevrons des dons de l’Esprit et, lorsque cela se passera, Dieu œuvrera en nous.

Il nous faut peut-être ce rappel, c’est-à-dire que le salut est pour la création tout entière et que nous en faisons partie. Aucune confusion ici que nous avons nous aussi un rôle à jouer dans l’approche du royaume de Dieu. Et que lorsque nous proclamons cette Bonne Nouvelle, l’Esprit qui œuvre en nous entraine la restauration de tout. Et ça c’est une affaire très sérieuse, alors allons-y.

Tout d’abord, if fait bon de se trouver au Texas. Je suis née et j’ai grandi à Dallas et parfois j’oublie combien cet État c’est mon chez moi, jusqu’à ce que je m’y trouve. Donc il fait très bon d’être ici.

Pour ceux d’entre vous qui n’êtes pas d’ici, nous sommes sur les terres des Comanche et des Kiowa. C’était compliqué car il y avait plus de 100 tribus dans ce qui est maintenant le Texas et les Comanche était une vaste tribu dominante, très forte, à l’époque de  la colonisation espagnole. Et, contrairement à la plupart des États-Unis, l’Espagne a colonisé ce qui est maintenant le Texas et ce fut une colonisation violente d’asservissement axé sur les missions. Les Guerres indiennes du Texas n’ont pris fin qu’en 1875, c’est-à-dire après la Guerre de Sécession, et elles se sont terminées brutalement, elles étaient très brutales.

La piste Comanche qui est une route, en fait une grand-route, un chemin battu, que l’on dit large d’un kilomètre et demi dans certaines zones. Pouvez-vous même imaginer une route large d’un kilomètre et demi ? Comme le sont nos routes aujourd’hui et comme l’étaient les routes romaines, c’étaient des routes pour le déplacement des gens et des marchandises, qui également servaient en temps de guerre.

La piste Comanche démarre dans ce qui est maintenant le Mexique et va jusqu’au Nord du Texas. Si vous conduisez d’Austin à Dallas, il y a des plaques dans les centres commerciaux, littéralement, j’en ai vu une à l’extérieur d’un Starbucks.  Si vous vous trouvez dans le parc national de Big Bend, vous pouvez faire une randonnée sur des parties de la piste, entourée de champs de fleurs sauvages. Nous sommes dans une partie très belle, ancienne et historique du pays.

Depuis le Nord du Mexique vers le Sud, il y a d’autres grand-routes connectant les migrations de peuples anciens et de peuples contemporains depuis aussi longtemps que des peuples habitent dans cet hémisphère, les grand-routes mythiques dont les Espagnols avaient entendu parler, les artères du commerce et du pouvoir et des peuples. J’ai lu un jour qu’un scientifique cherchait ces pistes dans la jungle amazonienne. Sans la chaleur, l’humidité et la densité de la forêt qui l’ont arrêté dans sa quête, Il serait arrivé au bout de ces vieilles routes. Alors il abandonne et commence à penser qu’il n’aurait pas été possible pour ces endroits non peuplés d’avoir de tels systèmes de routes, puis un jour en survolant une partie de l’Amazonie vers une autre zone, il remarque un changement de paysage. Et en regardant avec plus d’attention, il voit un paysage qui est le haut des arbres et il commence à voir entre les arbres et leur profil de croissance indique des chemins, preuve qu’il y avait autrefois quelque chose comme des grand-routes, des routes, il voyait de ses propres yeux que clairement il y avait des artères de déplacement dans ce qui est à présent la jungle. Les Amériques étaient en effet connectées par des routes autrefois. Et les gens aujourd’hui parcourent encore ces pistes jusqu’à notre frontière méridionale.  On peut voir cela également dans le Nord de l’État de New York où nous avons maintenant des forêts, des forêts qui paraissent très anciennes, où l’on trouve des murs en pierre qui s’effritent, preuve qu’il s’agissait jadis de terres agricoles avant que les fermiers ne se déplacent vers l’Ouest en quête de plus de terres libres tandis que les Guerres indiennes continuaient dans cette partie du pays.

Nous vivons sur ces terres, la plupart d’entre nous immigrants, pas tous mais la plupart.  De troisième, quatrième, cinquième, sixième génération, certains d’entre nous de première et de seconde comme moi. Certains d’entre nous sommes descendants d’esclaves. Certains d’entre nous sommes descendants d’Amérindiens. Nous sommes un pays singulier de cette façon. Dans presque tout le reste du monde, les gens peuvent raconter l’histoire de leur famille depuis 20, 30, 60 générations.  Une histoire qui nous dit que nous sommes des morceaux de la terre où nous avons toujours habité.

Nous, dans cet hémisphère, avons une histoire plus courte qui commence presque toujours par une sorte de bouleversement, souvent un bouleversement déterminant. Nous savons comment nous sommes arrivés ici, la plupart d’entre nous, et c’est souvent là que notre histoire commence. Et cela a créé un rapport compliqué avec ces terres :

elles ne nous appartiennent pas

ou nous appartient-il de les assujettir

ou nous ne le comprenons pas.

–C’est effrayant ou nous ne faisons que passer.

J’étais un temps la recteure de St. Mark’s in the Bowery, qui est une église à New York. Il se trouve que « bowery », ce que je ne savais pas, est le terme hollandais qui désigne une propriété ou une grande ferme. On ne penserait jamais qu’une partie de Manhattan puisse être une ferme.  St. Mark est sur le site de la tombe de Peter Stuyvesant. Peter Stuyvesant fut le dernier Gouverneur général hollandais de ce qui était alors New Amsterdam, à présent New York.

Et il fut enterré dans sa ferme, dans sa « bowery », sur le site de sa chapelle, ce qui fait de cette église St. Mark, le plus ancien site continu de culte de New York. Et cela aurait été une petite chapelle dans une ferme taillée dans les forêts de Manhattan dans la partie Nord des terres colonisées à quelques kilomètres à peine au nord du Wall, la fortification au bas de Manhattan qui sécurisait la minuscule colonie de New York face aux peuples locaux du Nord. Ce mur est à présent Wall Street.

Lorsque je suis arrivée à St. Mark, il y avait des gens formidables et de grandes choses s’y passaient, et il y avait quelques problèmes comme dans toutes les églises.

Et parmi les choses étranges que j’ai trouvées, il y avait cet énorme terrain sur le Deuxième Avenue, un pâté complet entre la 10ème et la 11ème rues entouré d’une grille en fer forgé.  On pouvait voir au travers depuis le trottoir ou la route.

Un « no man’s land » m’a-t-on dit.

On m’a dit de ne pas y aller, alors même que l’église était dessus, de ne pas m’y asseoir, de n’absolument pas y mettre les mains. Les gens jetaient toutes sortes de choses par-dessus la grille, m’a-t-on dit, et faisaient des choses innommables dans ce terrain, m’a-t-on dit.  Et il y avait des rats, je les ai vus, de très gros rats. Et il y avait cette étrange qualité poussiéreuse. C’était desséché et rocailleux, plein de briques rouges. Et les mauvaises herbes y poussaient. Il pleut beaucoup à New York.  C’est une ville bien paysagée. L’état de cette propriété vraiment très grande au milieu de Manhattan était réellement bizarre. Souvenez-vous que ce site était une forêt et les forêts persistent à pousser, c’est mon expérience, puis c’était une ferme avec des vergers.

À mesure que j’ai connu l’église, j’ai appris que c’était une petite communauté, qui faisait en sorte de joindre les deux bouts en louant des espaces. Pas mal occupée à gérer ces locations et ces relations qui, comme vous pouvez l’imaginer, étaient si compliqués. Tout le monde était stressé. Il n’y avait plus d’énergie pour autre chose, je sais que vous ne savez rien de choses comme celles-là.

Si bien que les parties de l’église qui faisaient face au quartier que vous pouviez voir, à savoir l’extérieur du bâtiment, les clôtures et ce grand terrain ouvert, étaient devenus étrangement des symboles visuels et des éléments de dissuasion pour la communauté de la réalité de l’endroit — un grand terrain desséché d’une ancienne belle propriété.

Donc nous avons commencé par retirer les mauvaises herbes.

On nous a dit que c’était un exercice futile.

Les mauvaises herbes vont revenir, nous a-t-on dit.

Jimmy le sacristain, courageux et fort, démolissait une enceinte d’ordures au marteau et je le regardais par la fenêtre sauter d’un côté sur l’autre tout en lâchant les cris les plus aigus que j’ai jamais entendus, alors que des familles de rats sortaient en courant, expulsées de ce qui avait été leur demeure depuis des décennies.

C’était de là qu’ils sortaient. . .

Nous avons labouré et retiré des pierres et des aiguilles, même des cuillères, souvenez-vous du crack.

Nous portions des gants épais.

De jeunes adultes travaillaient avec nous et nous avons appris à nous connaitre de la façon dont on le fait lorsqu’on travaille ensemble.

Que Dieu vous aide si vous veniez à l’église le dimanche, on allait vous mettre dans ce terrain.

Nous avons planté de l’herbe et créé un labyrinthe et nous avons planté de l’herbe et créé un labyrinthe,

ça n’a pas bien pris, nous avons planté des roses, du thym et de la sauge — les oiseaux sont venus mais cela a pris quelques années.

Et alors que nous travaillions ensemble, nous écoutions les histoires. Nous avons appris que les travailleurs avaient jeté les débris de construction de la rénovation de l’église après un gros incendie, dans le terrain — c’était et c’est un cimetière après tout.

L’idée de faire pousser de l’herbe ou d’un terrain qui importe dans l’East Village dans les années 1950, 60, 70 et 80 c’était une folie, nous a-t-on dit, mais maintenant, tout comme à l’époque, il semblait que la terre réclamait à grand cri une rédemption, un terme aux sévices. Et franchement, en regardant le quartier dans les années 1950, 60, 70 et 80, c’était le cœur du mouvement des jardins urbains sur la Côte Est, ce quartier d’immigrants réclamait une connexion avec la terre, comme la vie qu’ils avaient laissée derrière eux : faire pousser quelques aliments et des fleurs, prendre soin de cette façon de ce qu’exige la terre. Un soin mais vraiment un soin mystérieux qui, avec le pouvoir de l’Esprit, produit subsistance et beauté. Une ouverture d’une voie car, comme vous le savez dans votre jardin, c’est la vie elle-même qui crée la nouvelle vie.

Je n’avais jamais fait partie d’un projet comme celui-là. Et nous ne pouvions nous permettre financièrement de simplement le donner à faire à quelqu’un d’autre. Je pense qu’un professionnel aurait dit, probablement de façon avisée, qu’il nous faudrait draguer tout le terrain et démarrer avec de la nouvelle terre, car c’était mort.  Un peu comme une implantation d’église, n’est-ce pas ?  Tout recommencer. Mais nous ne le pouvions pas financièrement. Nous devions gérer un site historique. Mais si nous le faisions une partie à la fois avec des outils loués, comme la reprise d’une église, je suppose, contrairement à une nouvelle implantation.

Et alors que nous mettions du terreau et que nous jetions des graines, les oiseaux littéralement sont venus manger, immédiatement. Et nous avons appris une nouvelle prière qu’ils choisiraient de déféquer tout juste là dans le terrain lui-même.

Oui, nous éparpillions littéralement les graines et les regardions tomber sur les briques et les pierres et sur le bon terreau. Et gentiment on les tassait en espérant qu’elles resteraient. Mais nous ne savions pas ce qu’il y avait en dessous ou si les rats aimaient manger les graines. Et nous l’avons fait encore et encore et encore et le gazon, lorsque je suis partie était assez famélique. Mais c’était un gazon avec de profondes racines, nous l’avions choisi très stratégiquement pour que le sol redevienne finalement sain. Et il y a des fleurs et de l’autre côté il y a des aliments. Bon ce n’est pas un gazon vert du Texas style Monsanto comme celui que j’ai connu en grandissant mais plutôt un paysage qui raconte l’histoire de la communauté.  Un paysage dans lequel cela prendra du temps pour guérir les vieilles blessures et empêcher les lésions à répétition et, pendant que nous y sommes, nous devons bien nous occuper de ce qu’il nous appartient de soigner.

Mes parents ont toujours eu un jardin. Lorsque j’étais enfant à Dallas, je pensais que tout le monde avait des treillis de leurs légumes favoris dans le jardin, pour nous c’était des légumes indiens assez obscurs, qui poussaient dans une parcelle rectangulaire bien organisée dans notre jardin derrière la maison. Mon père a grandi dans une ferme si bien qu’il plantait méticuleusement et en ligne droite et regardait les plantes chaque jour, je me demande si ça le conservait sain d’esprit dans le milieu fou dans lequel nous vivions. Ma mère, comme toujours, avait une approche plus créative, elle aimait littéralement éparpiller les choses et les voir pousser où cela devait pousser, parmi les mauvaises herbes, libre, et peut-être offrir à quelques plantes des stéroïdes de temps à autre, comme des vitamines, si une chose avait besoin d’aide pour pousser. Et je me demande si cela les aidait à donner un sens au lieu où ils étaient venus vivre.

J’ai appris à St. Mark que de mettre les mains dans le sol guérit et recentre nos douleurs et notre cœur. D’aucuns disent que la chose primaire qui fait que notre cœur est brisé à notre époque est que nous ne travaillons plus le sol — que nous les êtres humains avons besoin de cette connexion pour notre complétude. Je veux bien le croire. C’est mon expérience. On peut même dire que l’esprit se trouve dans les choses de la terre, que nous pouvons reconnecter avec ce qui est littéralement source et maintien de vie dans le sol — il semble que nous retournons vers la terre à chaque génération, ceux d’entre nous qui le pouvons, parce que nous cherchons à guérir en tant qu’individus et en tant que peuple.

Là dans ces lieux où la sagesse de la terre a été anéantie tout comme ses plus anciens peuples. Nous luttons pour reconnecter. La terre cède sous le poids de nos déchets. Les eaux cessent de couler, sont dominées ou sont elles-mêmes empoisonnées. Certains d’entre nous attendons anxieusement les nouvelles d’un incendie proche de chez nous.

Ou comme nous avons l’entendu ce matin, des technologies d’extraction, des forages de pétrole en Alaska, des choses comme cela qui dévastent notre fragile environnement, celui qui rend la vie possible. Ces sociétés grâce auxquelles nous constituons notre retraite, nos projets autorisés par le gouvernement, nous sommes complices.

Comme le dit la prière, nous avons violé la création et nous sommes maltraités les uns les autres.

Nous avons omis d’honorer l’image de Dieu parmi nous.

Il nous faut donc nous repentir et nous tourner,

Et alors que nous nous repentons, la saleté et les toxines enterrées profondément (comme tous ces rats) vont émerger.

Nous serons dégoutés (n’hésitez pas à crier et à sauter).

Nous ne sommes pas innocents ni à l’abri de cette catastrophe.

Mais nous irons mieux lorsqu’elle sera partie.

Meurtris (et peut-être faméliques) mais mieux.

Nous pourrons revivre mais cela nécessitera un labourage, un débroussaillage, un ensemencement et une alimentation.

Il nous faudra résister (et lutter) et changer

encore et encore et encore.

La terre nous appelle à l’aide. Nous sommes ses protecteurs, la Bible le dit, mais si nous n’y arrivons pas, soyons bien clairs, cette terre va continuer à tourner sans nous.

Si nous faisons ce travail, pendant que nous peinons, pendant que nous écoutons et contons l’histoire de notre patrimoine ancien, ces terres et nos rêves, à cette table le Ressuscité apparait. Celui qui est a été lui-même mis en terre et est revenu pour nous dire qu’une nouvelle vie est possible.

Une façon de trouver que la vie est dans les choses de cette terre,

et lorsque vous placez vos mains dans la terre :

vous aussi pouvez chasser les démons de la désolation.

Vous entendrez l’histoire de ceux qui sont venus avant nous

Vous tiendrez les choses sauvages dans vos mains.

Vous trouverez en vous-même le pouvoir de guérir.

Que Dieu vous rende courageux et créatif dans l’œuvre d’amour.

Que Dieu vous bénisse et bénisse l’œuvre de vos mains.

Amen.


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